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LA LETTRE DES AMIS DE EXTRAITS
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Eté
2006, n°26
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LA
VOIX DE BARBARA
par Mariko Taïraka
Extraits
Mariko TAIRAKA, adhérente japonaise des « Amis de Barbara », nous avait confié son article La voix de Barbara avec l’espoir de le voir publier dans l’une de nos lettres. Auparavant, elle avait pris soin (et nous l’en remercions !) de le traduire du japonais à l’anglais…
Cet article, le voici. Mariko Tairaka y rend perceptible l’atmosphère tendue à l’extrême, qui régna sur la salle du Festival-Hall d’Osaka ce soir de 1988 où Barbara dut se produire… "sans" voix et aussi la concentration passionnée et anxieuse par laquelle le public tentait d’insuffler ses propres forces et son amour à une Barbara en détresse.
Il ne nous restait plus qu’à traduire en français le texte anglais. Pour cela, la collaboration de Liza Markunson fut la bienvenue. À ce propos, et juste avant de vous laisser découvrir l’article de Mariko Tairaka, ce bref petit "conte de Noël".
En 1970, Liza Markunson était une toute jeune danseuse fraîchement débarquée des États- Unis.
L’itinéraire de tournée de sa troupe de ballet passait ce soir-là par une ville inconnue de plus … Göttingen. C’est l’hiver. L’autocar arrive à la nuit tombée. Des flocons de neige tombent lentement sur les réverbères allumés, sur les trottoirs luisants derrière les vitres du bus. Le chauffeur choisit une cassette (un de ces gestes un peu "mis en scène" mais si pleins d’amour (les Amis de Barbara ont tous eu au moins une fois et ont encore !) et s’élève alors dans le bus qui traverse la ville enneigée, la prière de Barbara pour les "enfants blonds de Göttingen"… Liza Markunson n’avait jamais auparavant entendu la voix de Barbara. Elle en a conservé, depuis, ce "souvenir magique" qu’elle évoque, à cause de la beauté de cet instant là, comme "une dette envers Barbara" - ce sont ses propres mots. De grands yeux bleus, la voix ferme, un français (presque) parfait et l’accent suave, Liza conclut : "c’est pour te dire…on peut être bouleversé par "un chanson" sans être auparavant "amoureux de le chanteur"…Merci donc au chauffeur inspiré - demeuré anonyme – et à toi Liza, pour "ton joli petit histoire"…
Ceux qui aiment Barbara m’apparaissent dans leur ensemble comme des personnes à la fois très passionnées et très sélectives.
Pour nous qui aimons Barbara (nous ne parlons pas ici en termes de "pourcentage") elle est, en un certain sens, nous-mêmes. Êtes-vous d’accord avec ceci ?
Pour moi Barbara n’est pas "une femme qui chante". Elle est le symbole d’une femme qui lutte seule et, quoique avec beaucoup de bleus au cœur, n’abandonne jamais. Mais certes, dans sa vie professionnelle elle est, je dois l’admettre, du début jusqu’à la fin, totalement "une femme qui chante".
Le 3 octobre 1965 (Top Realities Jeunesse) elle déclarait : "Pour moi chanter, c’est respirer". Elle n’a le sentiment d’exister vraiment que lorsqu’elle chante, je crois. Elle dut traverser de longues années avant d’atteindre un large public, le sien.
Au Japon, au Festival-Hall d’Osaka, le 27 janvier 1988, la chanteuse, ma, votre chanteuse, devant nous, perdit sa voix.
Elle s’avança seule sur la scène et dit : "J’ai beaucoup réfléchi : tout annuler ou avancer tout de même. J’ai finalement décidé, et moi seule, de chanter en y mettant toute la force qui me reste, là, maintenant".
C’est, pour un chanteur, le choix le plus crucial : annuler ou chanter.
Du moins elle peut parler. Peut-être lui sera-t-il possible de chanter ? Quelques rapides interventions directement à sa gorge devraient bien pouvoir par la libérer, l’éclaircir et à un moment ou à un autre lui permettre enfin de lancer sa voix. C’est ce que je croyais.
Mais malgré tous mes espoirs, sa voix devenait de plus en plus rauque. Tout en l’écoutant, je lui superposais la voix de ses disques que je faisais tourner dans mon esprit.
Après la quatrième ou cinquième chanson, une dizaine de spectateurs se levèrent du 3e rang d’orchestre et, alors que Barbara commençait la suivante, quittèrent la salle.
Des journalistes ? Des hommes du monde du spectacle ? En tout cas, pas de ses fans ni de ses adorateurs. Ils manifestaient ouvertement leur mécontentement et leur mauvaise humeur. Je sentis la détresse de Barbara jusque dans mon âme. Une flèche lui était décochée qui touchait son professionnalisme.
Autour de moi, j’aperçus de nombreux sièges vides. Je me souvins qu’en 1975 un nombre impressionnant de gens debout, obscurcissait jusques aux murs de la salle, remplie, pour entendre et voir Barbara.
Je me reconcentrai sur sa voix. Mais ce n’était plus une voix : seulement un souffle.
Dans la tête, dans le cœur de tous ces gens dans la salle, du public et aussi des musiciens sur scène,
que pouvait-il bien se passer en ce moment ? C’est ce que je me demandais… Tout ce que nous pouvions faire était de continuer, continuer à la regarder et prier le cœur battant,
transpirant d’espoir. Par pitié Barbara, ne renoncez jamais. Jamais.
(...)
Le public l’acclama très chaleureusement et y mit tout son cœur quoiqu’il fût encore dans une tension extrême. Tous mes muscles physiques et mentaux tendus, contractés comme du béton, j’entendis soudain jouer enfin le "final".
Quels étaient alors les sentiments du public, ses pensées et celles de l’équipe de scène ? Je veux dire : qu’est-ce qui, en cet instant précis, faisait vibrer l’âme du Festival-Hall tout entier ?
Même lorsqu’elle est sur scène, Barbara est pour moi la chanteuse qui n’est pas forcée de chanter !
Elle ne peut pas être juste une femme qui chante parce que des "femmes qui chantent" on peut en trouver partout. Barbara est Barbara même lorsqu’elle ne chante pas, même lorsqu’elle ne peut pas chanter. Cela est sûrement vrai puisque Barbara reste Barbara alors même qu’elle a suspendu son souffle et quitté la terre…
Un peu surprise d’être la seule à avoir apporté un bouquet de fleurs…
Barbara reculait, main dans la main avec ses musiciens, vers le fond de la scène. Puis elle me fit un geste de la main, m’invitant à monter sur la scène. Je ne le pouvais pas : un récent accident de la circulation empêchant le mouvement normal de mon genou gauche. Je ne pouvais que lui signifier "non" de la tête. Elle s’approcha de moi et se pencha, accroupie, par-dessus le bord de la scène. Elle ne prit pas le bouquet mais saisit ma main droite. Elle la serra doucement, tendrement entre les siennes en la caressant puis y posa ses lèvres pour un baiser :
- Vous reviendrez, n’est-ce pas, sans faute ?
- Pardon ?...
- S’il vous plaît, promettez-moi de revenir, une autre fois !
- Oui…bien sûr …oui.
Quel regret ! Quel regret pour tout cela.
Qui donc avait volé sa voix ? Dieu, était-ce toi ? J’aurais voulu crier à tous : L’Aigle noir est ici
mais les ailes coupées.
(...)
Dans la presse le lendemain, deux options divergentes : Nous acceptons tout, avec joie, de la part de la grande Barbara, ou bien : Comment une chanteuse professionnelle ose-t-elle se présenter à son public avec une voix pareille ?
Je sais que ce qui me fascine le plus en Barbara, c’est sa voix. Plus que ses textes ou ses mélodies
ou même sa manière de vivre.
(...)
Un changement certain était apparu en 1981 à Pantin. Mais ce n’est qu’en 1982 que Barbara alla frapper à
la porte d’un médecin spécialiste de la voix. Tous nous avons tendance, ayant constaté qu’en nous quelque chose d’anormal se produit, à laisser passer du temps avant de consulter
un médecin. Le nom de son docteur : Élisabeth Fresnel Elbaz, auteur d’un livre intitulé La voix, paru en 1997 du vivant de Barbara et dont celle-ci avait rédigé la préface.
(...)
Barbara continua de voir son médecin et fit tous les efforts pour recouvrer sa voix. Mais, fût-ce à cause du périlleux emploi du temps imposé par Lily Passion ou autre chose, elle ne retrouva jamais l’excellence de sa suprême voix de jadis…
Non ! Arrêtez s’il vous plaît de me conspuer ! Je n’avais pas l’intention de finir là-dessus mon article.
C’est ici, c’est à ce moment là que Barbara naquit une nouvelle fois. Une nouvelle Barbara – ou une Barbara encore plus passionnée – venait de naître. Et elle commença de toucher un public encore et toujours plus vaste, composé de trois générations… Un aigle noir d’une dimension totalement nouvelle et différente s’élança alors dans le bleu du ciel.
Oui,
Barbara venait de renaître.
(...)
Dans son autobiographie (Il était un piano noir… éditions Fayard) elle confia qu’ayant un jour perdu sa voix, un médecin la soigna.
Rapidement elle put chanter à nouveau. C’était le début de la dépendance à la cortisone. En 1971 déjà, aussi surprenant que cela puisse nous paraître.
(...)
Il est impossible de déterminer avec précision quand et en quel lieu sa voix se transforma. Mais dans son cas à elle, le changement
de la voix déboucha sur une renaissance positive. Il est vrai aussi qu’elle avait souffert de problèmes de gorge, de voix, de dysfonctionnement respiratoire bien avant que nous n’y
pensions. Personne ne pourra me dire quelle fut la cause véritable de sa mort. Mais puisque pour elle chanter c’était respirer et que ses problèmes l’avaient privée de ses chansons
(et sans chansons comment vivre…) Barbara mourut de mort naturelle. À cela je crois absolument.
En 1997, Georges Moustaki avait proposé par fax un nouveau duo à Barbara Odéon. Barbara répondit : "Je ne chante plus".
Chacun peut imaginer quelle décision se cachait derrière cette réponse.
Annie Girardot nous rapporte dans (Partir, Revenir, éditions Cherche Midi) les mots qui furent
échangés entre Barbara et elle dans l’après-midi du 23 novembre 1997.
(...)
P.S. : Barbara revint au Japon en 1990, deux ans plus tard, comme promis. Sa voix, cette fois était parfaite. À ma grande joie, elle nous offrit la grande Barbara et reconquit son honneur de chanteuse.
C’est à cette occasion que je fis la connaissance de Dany Morisse ; et grâce à elle, huit ans plus tard en 1998, de Jeanne Sudour qui me fit connaître l’existence des "Amis de Barbara", en 2000.
J’ai ouvert "Planète Barbara" sur le web en 2004. Mais je sais que la graine de "Planète Barbara" fut plantée, là bas, dans l’ombre du Festival Hall d’Osaka en 1990 quand je rencontrai pour la première fois Dany Morisse, pour le concert de Barbara. Et Jeanne ainsi que les membres des "Amis de Barbara" m’ont toujours soutenue et encouragée par la conviction de leur attachement pour Elle.
Je vous suis très reconnaissante de vous et de tout ce que vous faites. Je suis toujours très fière de vous comme je suis fière de ma Barbara, notre Barbara et de notre "Galaxie-Barbara".
Merci à vous tous qui avez bien voulu lire mon article (que j’ai moi-même traduit du japonais à l’anglais) et de l’avoir lu jusqu’au bout !
Traduction française : Liza Markunson et Valentin Terrer.
LES
BELLES CHAISES À NANTES
par Edwige Suire
Le 13 juin, une manifestation organisée à Nantes par l’École régionale des Beaux-arts, et dénommée Les Belles Chaises, a attiré une foule considérable. Le principe en est simple, les artistes amateurs disposent pour présenter leurs œuvres, en guise de chevalet, des 4 pieds d’une chaise qu’ils peuvent installer sur une place ou le long d’un cours. Cette année, les amateurs d’art ont pu se promener au milieu de plus de mille chaises. Toutes ces réalisations, des belles, d’autres moins, racontent souvent une histoire.
Parmi
tous ces exposants, se trouvait notre ami Guy PAPIN qui a réalisé un dessin représentant le sultan des Indes, son éléphant à voyager dans le temps et la petite géante,
conçus par la troupe Royal de Luxe, qui avaient défilé dans les rues de Nantes en mai 2005 pour la commémoration du 100e anniversaire de la disparition de Jules Verne.
Mais à côté de sa petite chaise, il y en avait une plus grande, différente, … à bascule … un rocking-chair, avec un dessin représentant Barbara à son piano. Quel
bonheur ! Cet après-midi là, de voir le regard des passants s’arrêter, et ceux-ci, surpris, murmurer : "C’est Barbara !…C’est Barbara… !"
(...)
RADIO
par Bernard Merle
& Valentin Terrer
Le 31 mars, dans l’émission d’Arnaud Merlin Par ici les sorties sur France Musique, et parmi des chants venus du monde entier, Gilles Fruchaux, directeur du label Buda Musique avait choisi un titre enregistré sous son label en 1997 par une fanfare : La Banda de Santiago interprétant La petite cantate (Buda Records 927 24-2).
Pour une spécialité très "Radio France" (et fort agréable) : le mélange de citations, par des voix célèbres ou non, dans la composition des indicatifs d’émissions, Yves Builly et Philippe Garbit avaient choisi d’intégrer la voix de Barbara affirmant avec véhémence : "Ma plus belle histoire d’amour n’a JAMAIS été écrite pour un homme ! !" (...)
Le 31 mai, sur France Musique dans l’émission EasyTempo, par C. Valero et J. Jousse.
Invité Roland ROMANELLI. Extrait de sa version accordéon / orchestre d’un Aigle noir très "arrangé".
(...)
Le 3 juin, dans la série Balade en chansons dans la capitale de son émission La prochaine fois
je vous le chanterai, Philippe Meyer diffusa d'abord Il n'y a plus d'après, par l'américain Anthony Perkins. Puis
eut ce commentaire : "Remarquons que si de nombreux étrangers viennent nous vanter, et quelquefois nous rappeler, les charmes de Paris, il nous arrive aussi de faire un effort
pour les en convaincre dans leur langue..." Et de nous faire entendre Paris im August par Barbara, version allemande de Paris 15 août. Il fallait oser.
(...)
La chanteuse Marie-Sol, invitée le 6 juin de l'émission Le lire et le dire sur Fréquence Paris Plurielle, a présenté notre association, après avoir fait entendre plusieurs titres de Barbara tirés du disque qu'elle prépare pour la rentrée, et lu le poème de Stéphane Chapel, Barbara, que nous avions publié dans notre lettre n°23 (Automne 2005, p.19).
La chorégraphe Marie-Geneviève Massé a choisi, entre Vivaldi et Dinah Washington, Les rapaces, de et interprétée par Barbara, dans sa programmation musicale de À portée de mots, de François Castang, le 7 juin sur France Musique.
Dialogue entre Hélène Hazera, dans son émission Chanson Boum du 29 avril sur France Culture, et
son invitée la chanteuse Véronique Pestel. Auteure-compositeure-interprète de très grand talent, Véronique Pestel comme Barbara
s’accompagne au piano.
(...)
BREF
par Fabienne David &Bernard Merle
Quarté gagnant pour Barbara dans la famille Depardieu : après le père (Gérard, son partenaire dans Lily Passion), la mère (Elisabeth, l’une de ses interprètes avec Amazonie), le fils (Guillaume, auteur avec elle de sa chanson À force de), c’est au tour de la fille, Julie, de témoigner de la grande admiration qu’elle porte à son aînée. Dans le "carnet intime" qu’elle dévoile au magazine Fémina (12/03/06), à la rubrique idole on peut lire : "Je n’idolâtre pas, mais j’ai beaucoup admiré Barbara". Bien. Mais pourquoi le passé composé ?
Comme Sonia sa mère, Nathalie Rykiel aime visiblement Barbara : c’est en effet cette dernière que l’on trouve à la lettre B dans l’abécédaire que Nathalie a décliné pour Madame Figaro (08/04/2006) : "B comme Barbara : son personnage, ses chansons, son travail, sa grâce m’ont accompagné et m’accompagnent depuis longtemps dans ma vie".
Merveilleuse Judith Magre, qui triomphe depuis plusieurs mois à la Pépinière Opéra, à Paris, dans un monologue écrit pour elle par Xavier Durringer : Histoires d’hommes. Quelques notes de contrebasse ponctuant de temps à autre ses confidences ont fait écrire au critique Jacques Nerson dans ParisObs (26/01/2006) : "Son entente avec son contrebassiste rappelle celle de Barbara avec Roland Romanelli". Bel hommage !
Les éditions Et Cie ont édité dans la collection Juke box 1962 une jolie carte postale carrée, aux tons mauves et orangés, présentant au recto une photo de Barbara, souriante (Botti/Stills/Gamma), sur fond de partition de Dis, quand reviendras-tu ?, dont le refrain est reproduit en caractères de différentes tailles, et au verso, le texte complet de la chanson.
Dans Contes et légendes des héros de la mythologie de Christian
Grenier (Nathan, 2004), une surprise : "Chapitre XI : Pénélope, "Dis, quand reviendras-tu ?..." : Tournant le dos
à la foule de ses prétendants rassemblés, Pénélope tissait, le regard perdu vers la mer.
(...)
Line de Lima (chanteuse brésilienne de bossa nova façon cool jazz) sort en France son premier album Arrebol. Elle referme cet opus par une reprise de Septembre de Barbara, en français, accompagnée par un violoncelle et un piano.
L’I.N.A a mis, depuis le 27 avril, ses archives sur le Net (cent milles émissions télé ou radio). Pour quelques euros, vous pouvez les consulter ou les télécharger. Dix documents concernent Barbara, citons parmi eux : une interview à propos de Lily Passion dans le JT d’Antenne 2 en janvier 1986, une interview de Serge Réggiani parlant de Barbara dans un Discorama de janvier 1968 ou bien Barbara chantant Moi j’aime dans une émission de variétés datant de 1964.
Nos membres d'honneur à l'honneur
Philippe Meyer
vient de publier aux éditions du Cherche Midi Fonds d’écran, une sélection de ses meilleures chroniques TV de ces vingt dernières années, parues dans Le Point et
L’Événement du jeudi. Pour ceux qui ignoreraient encore quelqu’une des multiples facettes du talent de notre "mammifère omnivore" (et nonobstant membre d’honneur des
Amis de Barbara), qu’ils se reportent à la page 9 de notre Lettre n°18.
Fonds d'écran.
Éd. Cherche Midi, 400 p. 15€
Les éditions PC viennent de publier Dialogues sans cible, un livre-disque comprenant un ensemble de dessins inédits de Claude Nougaro assorti d'un CD composé d'une interview de 45 minutes du chanteur toulousain réalisée par Alain Wodrascka en 2002. C'est le troisième opus qu'avec la complicité d'Hélène Nougaro, Alain consacre à son ami disparu en 2004, après Claude Nougaro, l'alchimiste des mythes (Éd. Librairie Nizet, 2000) et Claude Nougaro, souffleur de vers (Éd. Didier Carpentier, 2002)
Dialogues sans cible. Éd. PC, 25 €
Légende, une émission de Philippe Labro proposée par Nagui, réalisée par Christophe Escoffet
"MARIA
CALLAS, BARBARA ET DALIDA : LA TRAGÉDIE DU SUCCÈS"
par Bernard Merle
Journaliste, romancier, réalisateur, Philippe Labro propose depuis quelques mois sur France 3 une série d'émissions de 55 minutes : Légende. Des rendez-vous qui ont pour but, à l'aide d'archives et de témoignages (ici, pour Barbara : ceux de Jérôme Garcin et de Serge Lama), de brosser les portraits sensibles d'artistes et de personnalités disparues pour qui la réussite ne fut que le masque d'un drame intime : James Dean, Patrick Dewaere, Jackie Kennedy. Cette fois le portraitiste a choisi une formule groupée, réunissant sous son objectif trois artistes aux univers dissemblables : Maria Callas, Barbara et Dalida. Sobre, en dépit du texte souvent emphatique de Sandrine Treiner, Philippe Labro face à la caméra revisite les trois destinées..., il est vrai exceptionnelles, de ces "divas du malheur " comme il les appelle. Écoutons-le (1).
"La Callas, Barbara, Dalida. Trois divas, trois voix, trois femmes aux cheveux noirs, trois destins croisés. Trois destins aux couleurs noires du malheur et de la gloire. En apparence, rien n’est semblable et pourtant tout les rassemble : La Callas, c’est une des plus grandes cantatrices de son époque et peut-être de tous les temps, une voix miracle. Barbara, c’est une silhouette émouvante, ce sont des chansons inscrites dans toutes les mémoires. Et Dalida, c’est une chanteuse de variété, immensément populaire.
Toutes les trois ont consacré leurs vies à la scène, au public. Le grand public. Il les a adorées. Elles ont cherché la lumière, elles l’ont gagnée. Mais à quel prix ! Étrange similitude. Comment et pourquoi chacune d’entre elles termine son existence de façon aussi tragique, aussi solitaire ? La tragédie du succès, c’est la clé qui ouvre la porte de leur légende.
[...] Barbara a écrit un jour une très belle phrase : "Au fond de chacun d’entre nous, il y a un enfant qui pleure". Dans le cas de ces trois femmes, l’enfant pleure particulièrement fort.
[...] Il n’y a pas plus de sécurité dans l’enfance de Barbara que dans celle de Maria Callas. Monique Serf, c’est le vrai nom de Barbara, naît elle aussi dans une famille modeste d’origine juive, alsacienne par le père, moldave par la mère. En 1939, il faut fuir, il faut se séparer. La petite fille part avec son père pour Tarbes, et là il abuse d’elle. "Je ne me souviens pas du tout comment j’étais quand j’étais petite. Et c’est pas du tout pour… Non, mais c’est vrai ! je ne m’en souviens pas, j’ai pas le souvenir de ça. Je ne sais pas, je ne me souviens plus de ça."
Jérôme Garcin :
"Moi je suis très frappé de voir que cette femme, qui non seulement a composé toutes ses chansons à partir d’expériences personnelles, vécues, puisque : mettez bout à bout toutes
ses chansons et vous avez presque chronologiquement un récit autobiographique ; si on y ajoute les mémoires de la fin de sa vie,
(...)
[...] La Callas, Barbara, Dalida, se sont toujours cru mal aimées : d’ailleurs elles ne s’aimaient pas elles-mêmes. Pourtant elles sont allées vers la scène, vers le public qui, lui, a vu qu’elles ne trichaient pas. Quand on chante aussi bien la solitude et le chagrin, c’est qu’on les connaît soi-même. Succès fulgurant, public exigeant, tellement exigeant qu’elles lui ont consacré tout leur temps, toute leur énergie. Il n’y a peut-être pas de rôle dans la vie réelle pour ces divas du malheur. [...] Barbara mène sa vie de chanteuse, puis d’auteure-interprète très loin du monde sophistiqué de l’opéra. Toujours habillée de noir, plutôt gaie et d’une ironie mordante, elle impose sa silhouette et son visage étrange dans le cabaret L’Écluse à Paris.
Serge Lama :
"Je suis arrivé à l’époque de Dis, quand reviendras-tu ?, Chapeau bas… Elle chantait ça à L’Écluse, et moi j’étais absolument… Tous les soirs je la regardais chanter, et c’était une leçon tous les soirs. Elle chantait une petite dizaine de chansons à L'Écluse, en fin de spectacle, et assise au piano droit, de côté, comme ça, tournée. Elle avait déjà trouvé son habit, son espèce de profil, comme ça.... de cygne noir. Et elle était sublime, quoi !" (...)
Jérôme Garcin :
"J’ai mis du temps à comprendre que ce qui pouvait
m’apparaître comme trop grandiloquent dans sa manière d’être en scène était en fait une façon tout à fait réelle, physique, mentale, de s’offrir physiquement et mentalement au
public."
(...)
Un journaliste, à Barbara :
"Est-ce que le fait d’être une femme qui chante ne vous empêche pas d’être une femme tout court ?
- Il
y a fatalement une amputation dans ma vie de femme, répond Barbara.
Que j’accepte, puisque je l’ai voulue - enfin, parce que je n’arrivais pas, sans doute, à faire autrement... et qui est une chose pour moi... comme ça... enfin, classée… "
(...)
[Nouvelle archive, au cours de laquelle on demande à Barbara : « Quelle est votre attitude vis-à-vis des hommes, en général ?
- Je les aime, répond-elle. Beaucoup. Je les admire. Ils m’ont faite, aussi, les hommes. Ils ont beaucoup d’importance dans ma vie. »]
En 1973, elle choisit la
solitude, elle achète une belle demeure ancienne à Précy-sur-Marne.
(...)
Les nuits sont longues, elle est insomniaque.
Jérôme Garcin :
"Quand on allait à Précy, même le décor de Précy était théâtral. Elle punaisait des aphorismes, des phrases, ou des calembours sur les murs de la maison. Et elle pouvait être, dans sa façon de bouger, de parler, de rire, incroyablement théâtrale. On aurait pu filmer ça, on aurait cru à la scène d’une pièce. Et en même temps, c’était aussi elle-même. C’était un personnage lyrique, y compris dans l’intimité."
En 1981, la voix connaît ses premières défaillances. Cinq ans plus tard, elle crée Lily Passion, au Zénith, avec Gérard Depardieu, auquel l’unit une amitié tendre. Mais elle perd le souffle.
Jérôme Garcin :
"Le moment où elle a senti sa voix lui faire défaut (cette voix, qui était tout pour elle, commençait à la quitter), elle a frôlé des moments de désespoir. Cette voix, c’était comme si elle perdait son coeur. Quand vraiment elle a compris que physiquement elle ne pourrait plus chanter sur scène, là j’ai l’absolue conviction que sa vie n’avait plus aucun sens."
Elle s’occupe des autres ; elle fait du sida une cause personnelle. C'est sa manière, dit-elle, d'être sur le front de l'amour.
(...)
[...] On ne peut pas en quelques mots seulement attribuer l'identité tragique de ces trois femmes au cliché du succès qui tue, à la face cachée de la gloire ; non, il faut aller plus loin que ça. Comme Marilyn Monroe, comme Romy Schneider, La Callas, Barbara, Dalida étaient des artistes, des femmes, donc plus fragiles, plus vulnérables, plus sensibles que le commun des mortels. Des nomades aux enfances traumatisées qui n'ont trouvé leur chance de survie que, précisément, dans la poursuite de la gloire.
Et pourtant, quelle musique commune
entre elles !
(...)
(1) Seuls ont été retenus les passages concernant Barbara, ou les trois artistes. Les citations sont extraites de diverses archives télévisées : Discorama, bien sûr, mais aussi Barbara, de François Reichenbach. Parmi les documents diffusés, outre des photos : un court extrait d'une étonnante émission intitulée En passant... Barbara nous dit bonsoir (1962). On y voit Barbara répondre avec amusement à Colette Jean, une dame blonde qui tricote en jouant le rôle de téléspectatrice ! Cet extrait figure sur le double DVD Barbara, une longue dame brune, Universal 981 988-7, paru en 2004.
EXPOSITION LA BARBARA QUE J’AI CONNUE
Sophie Makhno qui fut la collaboratrice de Barbara, pendant plus de trois ans, dans les années 60, et l’auteur de quelques unes de ses chansons (Toi l’homme, Tous les passants, Les mignons, Septembre (quel joli temps), Sans bagages), propose une exposition itinérante composée : de photos inédites, grand format, noir et blanc et couleur de Barbara par Jean-Louis Dumont (prises entre 1964 et 1966 rue Rémusat), de photomontage inédits, à partir de photos de Jean-Louis Dumont, réalisés par Sophie Lo, de textes écrits par Sophie Makhno.
Du 24 juillet au 20 août, à l’Office de tourisme de Monieux (Vaucluse), place Léon Doux.
Du lundi au vendredi de 9h à 12h et 14h à 18h & Samedi et dimanche de 10h à 12h et de 15h à 18h.
Rens. 04 90 64 14 14
Rappelons que les éléments de cette exposition ont été réalisés pour un livre-objet consacré à la dame au piano paru en novembre 2004 (Cf Lettre n°16 Hiver 2003-2004)
TÉLÉVISION
par Fabienne David & Edwige Suire
Le 6 mai, sur France 3, l’émission présentée par Gérard MILLER Cette année là était 1981. Pour illustrer le début de l’émission fut diffusé Regarde.
Le 26 mai, sur France 2, l’invitée de Guillaume Durand dans CAMPUS, était Fanny ARDANT. Gérard DEPARDIEU, interrogé sur elle, dit simplement que c’était une des rares femmes avec qui on pouvait être ami, comme avec Barbara ou Marguerite Duras. Puis, toujours, Depardieu, en duplex de Cannes pour la présentation du film Quand j’étais chanteur, dit au milieu de son interview "…comme Barbara, à la fin de son récital, les gens ne partaient pas, ils reprenaient tout son répertoire …".
Christian
Stalla : AUTOUR DE L'ÉCLUSE
par Bernard Merle
Dans le livre de Georges Bilbille Du côté de Mouffetard : 1948-1978 (Éd. Alzieu, 2003), nous avions déjà croisé Christian Stalla cet auteur compositeur interprète bien connu du public des innombrables cabarets qui proliférèrent à Paris entre 1955 et 1970. Nous y apprenions que, élève de l'Atelier Charpentier de la Grande Chaumière, diplômé de l'École Nationale Supérieure des Arts décoratifs, saisi ensuite par le démon de la chanson, cet ancien du Petit Conservatoire de Mireille avait en 1959 été engagé à L'Écluse : d'abord seul, puis avec sa partenaire Michèle, chantant des années durant en duo avec elle sous le nom de "Michèle et Christian". Plus tard responsable du Cabaret d'Art et d'Essai de la rue Mouffetard (1969-70) - où venaient souvent Annie Fratellini et Pierre Etaix - , il ravivait auprès de Georges Bilbille ses souvenirs de Coluche, Lény Escudéro, Alain Souchon - et tant d'autres. Nous y apprenions que, privilège rare dans la bohème d'alors, Christian disposait d'une 4CV, laquelle, promue taxi providentiel pour tous les impécunieux de la rive gauche, transporta longtemps des artistes encore inconnus qui avaient nom Pia Colombo, Jean Ferrat ou... Barbara. Et alors, que de conversations, de confidences ! Et donc, que de souvenirs !
L'an dernier, c'est dans un ouvrage signé de son nom que Christian Stalla les reprenait, et notamment ceux concernant un cabaret cher à notre coeur : L'Écluse. Autour de L'Écluse, c'est le titre du livre, retrace, telles qu'il les a vécues et ressenties, ses années-cabarets - car d'autres lieux sont également évoqués, satellites du premier.
Pas
question pour Christian Stalla de prendre, en rédigeant ce texte, la place des historiens de la chanson : bien plutôt de leur apporter un matériau vivant, presque brut. C'est la
"petite histoire", certes, mais la petite histoire dans toute son utilité, indispensable à une pleine compréhension de "la grande". Au fil des anecdotes souvent modestes
rassemblées par leur auteur, toute une époque se trouve fixée, une époque d'une incroyable richesse pour la chanson. Portraits, histoires drôles ou pathétiques, Christian Stalla ne
flatte pas forcément ses personnages. Il les peint tels qu'il se sont présentés à lui, sans effet littéraire ni souci hagiographique. D'où le sentiment, à la lecture de ce livre,
d'une authentique plongée dans le réel. Autour de L'Écluse est à la chanson ce que la "carotte" est au géologue : un échantillon limité, certes, mais suffisant pour informer
sur la nature de l'ensemble dont il est extrait.
(...)
Cela étant posé, le livre existe.
C'est l'essentiel, et "Christian Stalla témoin authentique de cette période faste nous livre là un document précieux. Par sa précision et son originalité. Il est d'ores et déjà
un ouvrage de référence." écrit Marc Chevalier dans sa préface.
(...)
Autour de L'Écluse : extrait pp.32-36
Pour le chapitre consacré à Barbara, Christian Stalla a en partie laissé la plume à son
ex-partenaire Michèle, admiratrice fidèle et passionnée de celle qu'elle continue d'appeler sa "grande soeur". L'extrait que nous proposons n'aurait pu être publié sans leur très
aimable autorisation : qu'ils en soient ici tous deux chaleureusement remerciés.
(voir bulletin n°26)
Christian Stalla Autour de L'Écluse (Éditions Alzieu, 2005) Préface de Marc Chevalier. 220 p. 18 €.
LIVRES
par Fabienne David & Bernard Merle
Chroniqueur littéraire, auteur de quelques romans dont Manchester memories, Bernard Morlino vient de publier un recueil de portraits, une sorte de "bouquet de rencontres hasardeuses" avec des personnalités telles que Romain Gary, Antoine Blondin, Patrick Dewaere, Suzanne Flon, Robert Doisneau… et Barbara. Mais ce dernier "chapitre" laisse vraiment l’amateur sur sa faim ; il ne tient qu’en quelques lignes, que voici :
Allô, bonjour, c’est Barbara. C’est vous qui m’avez écrit cette lettre ?
Oui, j’éprouve une joie à voir votre nom sur les colonnes Morris…
Quand voulez-vous que l’on se voit ?
Nous ne nous sommes jamais vus parce que j’ai envoyé à ma place une amie qui rêvait de voir sa chanteuse préférée en tête à tête. Je me suis effacé.
Bernard Morlino Envoyé spécial de personne. Éd. Castor Astral, 2006. 219 p. 15 €
Jean-Christophe Giesbert et Franz Olivier Giesbert retracent dans Le livre de la gauche un siècle de combats pour l'idéal socialiste et réunissent les grandes figures de la gauche, qui ont écrit les plus belles pages de son histoire : Blum, Mollet, Mendès France, Mitterrand, Mauroy, Rocard, Jospin et tant d'autres, célèbres ou anonymes. En page 86, Barbara (photo de Roger Viollet) accompagnée d’un petit commentaire rappelant les nombreuses causes pour lesquelles s’engagea Barbara : le sida, les droits de l’hommes, la condition des détenus en prison.
JC & F.O Giesbert Le livre de la gauche Éd. Albin Michel, 160 p. 30 €
PRESSE
par Fabienne David & Edwige Suire
La sortie du CD de Annick CISARUK salué par la presse :
- Chorus n° 55, printemps 2006 : Dans la rubrique, Reprises en stock, Chorus remarque "une recrudescence d’albums entiers de reprises" et que certains s’attaquent même au répertoire des "monstres sacrés". Tel est le cas d’Annick Cisaruk qui après avoir revisité "les mots des hommes- ceux de Ferré, Vian et Aragon,… poursuit de sa voix précieuse sa balade dans l’histoire de la chanson française en s’attaquant ici au répertoire de Barbara. …avec David Venitucci à l’accordéon : … un véritable duo…une vraie réussite".
- Chanson mag n° 3 article de Montag : "S’attaquer au répertoire de Barbara n’est pas chose aisée, … . Cela demande, en-dehors d’un grand talent d’interprète, de véhiculer une émotion intense. … Superbe !"
Dans le même magazine, Chanson mag n°3, Matthieu Pays, lui, commente la sortie du DVD
Brel/Barbara : une chorégraphie de Maurice Béjart : "un ballet envoûtant, tandis que des images d’archives s’impriment en arrière-plan... ces petits bouts de vie… qui
font partie de nos émotions les plus profondes…".
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Chorus n° 55, printemps 2006 : Jean-Louis AUBERT à la une, 23 pages lui sont consacrées. Dans les propos recueillis par Yannick Delneste, Jean-Louis Aubert dit qu’à partir de 1995 il va voguer entre "Deux mondes, punks l’un et l’autre, la chanteuse (Barbara) et le hip-hop de Suède."
Ils se seraient rencontrés pour un projet au profit de Sol En Si, resté sans suite. Barbara
écrit, toutefois, Le Couloir. Ils ont continué à se voir à Précy jusqu’à sa mort. Ils écrivirent ensemble, Vivant poème et Le jour se lève encore. Barbara
l’appelait "l’ange".
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Grand Corps Malade, chanteur de Slam, déclarait dans Métro du 7 avril : "Je n’ai pas appris à écrire. Sans doute, Renaud, Brassens et Barbara, que mes parents écoutaient beaucoup, et NTM et IAM, m’ont aidé à manier la plume". Parmi ses chansons préférées : Nantes.
En avril, Libération sortait un Hors-Série Chanson française 1973-2006. Barbara y
était bien évidemment en bonne place puisse que 4 pages lui étaient dédiées.
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Ils/elles ont chanté
BARBARA
par Edwige Suire & Valentin Terrer
En Province :
Le 16
juin, pour la Fête de la Musique organisée par la commune de Machecoul (44), la Compagnie Hop Là ! a présenté pour la première fois en public, cinq chansons de Barbara :
Plus rien, Le soleil noir, Chapeau bas, Les amis de Monsieur et Nantes…
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À Paris :
Le 28 juin, au Connétable, Sophie Makhno fêtait la sortie de son album Évidente complicité
avec son pianiste Jean-Jacques Genevard. En deuxième partie, Hervé Koury pour la sortie de son album Premier Round et son percussionniste Morel.
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LES ÉCHOS DE TANTE LÉONIE
"Barbara, pourquoi m’as-tu abandonnée ?!"
En 1914, Céleste ALBARET entrait au service de "Monsieur
Proust". Jusqu’à la mort de l’écrivain le 18 novembre 1922, elle devait demeurer le seul témoin du quotidien ascétique de ces huit dernières années pendant lesquelles Marcel
PROUST, alité, sacrifia tout à la rédaction –nocturne– de À la recherche du temps perdu. Seul. Éveillé avec le soir (lorsqu’il dormait), sustenté jusqu’au "matin" suivant
d’un café au lait et d’un croissant que lui apportait Céleste, il commençait à la nuit tombée sa journée de travail ; ne rassemblant les dernières forces nécessaires à de
rarissimes sorties dans un monde qu’il avait quitté, que pour confronter tel de ses souvenirs à son modèle réel, pour glaner quelque indispensable et précieux détail, et puis
rentrer et peindre depuis sa chambre (comme le"portrait" du sourire de Cottard commandé par madame Verdurin), le portrait du-Temps-qui-passe…
(...)
Quelle aubaine pour les Amis de Tante Léonie ! Retranscrites de la main même de Marcel Proust, les paroles d’une chanson intitulée Le Temps des lilas !?. Et votre dévouée Léonie de sauter illico sur ses lunettes, son sac en mica et de filer, après avoir donné quelques instructions au chat, vers la médiathèque la plus proche. Sa mission, car elle l’acceptait : remonter jusqu’à sa source l’histoire de la chanson perdue. Avec comme seul viatique et pour sésame tant soit peu sommaire, un bredouillis du genre : "Vers 1880 ? Une chanson… Le temps des lilas ?.. non, pas celle de Barbara… 1880, tout de même !.. " Et voilà Léonie propulsée par les moteurs –sans essence– de recherche dans la jungle subliminale du Net… À la médiathèque des Halles officient, dans une atmosphère feutrée (liège ? moquette ?) des personnes très avenantes et –pour cause– fort bien documentées. Là, donc, on me colle un casque sur les oreilles (attention brushing) pour y déverser aussitôt, sous la référence N33023 une chose absolument merveilleuse : le Poème de l’amour et de la mer de Maurice Bouchor (tenez vous le pour dit) mis en musique par Ernest Chausson, 1855-1899 (prenez des notes) Christine Schäfer chante, aigu, Deustche Grammophon grave.
C’est
superbe mais… de "Temps des Lilas", point ! Qu’importe : le temps s’en va, je recherche… Autre liane, autre piste : le texte serait signé de Wilhelm Apollinaris
de Kostrowitzky dit Guillaume Apollinaire, 1880-1918 (interro dans le prochain numéro).
(...)
C’est alors qu’arrive, impromptu, sur mon écran d’ordinateur (j’ai nommé : ma boîte aux lettres) un extrait de l’ouvrage par Gabriel RINGLET paru chez Albin Michel " Et je serai pour vous un enfant laboureur – Retourner l’Évangile" (sic) où l’auteur développe (mais pas trop) un parallèle ébloui entre Barbara et –pourquoi non ? – Jésus Christ. Soit. Soit-il. Soit-elle. Mais oui, bon sang = l’Évangile-terroir et Précy-jardin…
" Qu’en
pensez-vous, Léonie ?" m’interroge, primesautière et sibylline, ma correspondante. Doux Jésus ! Ce que j’en pense ?.. Que tous les passeurs d’amour-à-mourir, tous ceux dont
nous subjugue la puissance de création – et d’abnégation – soulèvent tôt ou tard la même question : parcours christique ou pas parcours christique ? Ce que j’en pense ?.. que nous
(les "premiers Barbariens" en quelque sorte ?) serions bien placés pour témoigner qu’il s’agit là aussi, en effet, d’une mystérieuse et généreuse et bien belle histoire d’Amour !
Mais… patientons quelques siècles pour, bénéficiant d’une perspective plus équitable, établir un parallèle ?...
(...)
À tout prendre, et si vous le voulez bien encore, Léonie préfère vraiment n’être "pour vous qu’un enfant
glaneur" (et non pas glandeur !!). Courez, si m’en croyez, voir (ou revoir) le film d’Agnès Varda Les glaneurs et la glaneuse, cette mise en abîme d’une cinéaste
cueillant, comme distraite, ici et là, des images graves…
(...)
Alors… quoi ? Marcel Proust, le chaînon manquant entre Jésus et Barbara ? Joli pensum à devenir chauve, ma foi, que je vous propose là en guise de devoirs de vacances ! Je le soumets à votre sagace mais perplexe perspicacité, et je signe… Léonie.
Frédéric Botton : « Une petite boîte jaune… »
Sur Europe 1 le 1er mai, Frédéric Taddéï dans son émission Regarde les hommes changer recevait l’auteur-compositeur Frédéric Botton.
F.T. : Très vite, vous êtes donc devenu auteur-compositeur pour les autres. Quand on démarre en tant qu’auteur-compositeur, comment on fait ? À l’époque, il y avait moins d’auteurs-compositeurs qu’aujourd’hui, il y avait donc plus d’interprètes disponibles ?
F.B. : Alors, par exemple, Barbara : ben, la première fois je suis allé à L’Écluse pour présenter une chanson…
F.T. : C’était le cabaret où elle se produisait à l’époque ?
F.B. :
Oui, mais je n’y suis pas allé pour elle, parce que personne ne la connaissait, elle ne faisait pas de disques, ni rien. Il y avait Marc et André, qui étaient deux duettistes, et
qui passaient là, et il y en a un des deux qui a écouté la chanson et qui m’a dit : c’est pas pour nous, mais il y a une fille qui passe dans l’endroit qui s’appelle Barbara. Et
j’ai eu un rendez-vous, j’ai eu Barbara au téléphone,
(...)
F.T. : …la grande bourgeoisie, donc !
F.B. : Oui ! Mais elle a chanté la chanson tout de suite, au bout de cinq jours !
F.T. : Alors cette chanson, c’était L’absinthe.
F.B. : Non, non !
F.T. : Non ?
F.B. : Non, c’était Rue du Chien qui fume. Mais elle n’enregistrait pas, et Catherine Sauvage me l’a enregistrée plus tard. Et après je suis parti au service militaire (car j’ai l’air de rien, je me suis envoyé vingt-huit mois de service !). Quand je suis revenu, j’ai connu la petite Sagan, qui m’a invité…
F.T. : Sagan ? Françoise ?
F.B. :
Oui, qui m’a invité à Équemauville chez elle. Il y avait Barbara qui était là, et c’est là où j’ai eu l’idée de L’absinthe :
(...)
F.T. : Frédéric Botton, on a l’impression que Barbara n’aurait jamais pu chanter une chanson gaie. C’est l’impression que vous avez aussi ?
F.B. : Oh, elle a chanté… elle a écrit des chansons, heu…
F.T. : Il y a quand même toujours une très grande mélancolie…
F.B. : Ah, oui, bien sûr…
F.T. : Elle était si mélancolique que ça ?
F.B. : Elle était très drôle, dans la vie ! Elle riait tout le temps. Alors, non ! c’était quelqu’un de très drôle, c’est vrai, hein !
F.T. : …qui plaisantait, qui racontait des blagues ?
F.B. : Mais bien sûr, elle plaisantait ! Elle racontait des… elle riait, elle était très rieuse, voilà !
F.T. : Et alors c’est drôle, tout à coup elle se fermait, elle montait sur scène, elle s’habillait en noir… Elle était pourtant habillée en noir toute la journée, je pense ?
F.B. : Écoute, la dernière fois que je l’ai vue, je suis allé à Précy pour la dernière chanson qu’on a écrite ensemble qui s’appelait Il me revient en mémoire. Et je me souviens, on est monté à son piano. Elle était à mes genoux avec ses lunettes de soleil. J’ai dit : est-ce que tu veux bien retirer tes lunettes ? Elle les a retirées. J’ai failli fondre en larmes, d’abord, parce que c’était… C’est le dernier souvenir que j’ai d’elle… Et en partant elle m’a dit : prends un objet, prends quelque chose. J’ai pris une petite boîte jaune, que j’ai sur ma table de nuit.
F.T. : On a l’impression, que pour les grandes interprètes comme Barbara, il y a un personnage qui se dessine à partir du moment où elle rentre sur scène, qui n’a pas forcément grand chose à voir avec ce qu’elles sont dans la vie – peut-être mentalement, mais, en tout cas, pas dans les apparences.
F.B. : Oui, tu as raison, mais c’était un personnage particulièrement extraordinaire.
F.T. : Et théâtral ?
F.B. : Théâtral, absolument théâtral.
[…]
F.T. : Comment choisissiez-vous vos arrangeurs ? Là aussi en fonction de l’interprète, ou en fonction du climat que vous vouliez donner ?
F.B. : Non. Alors : quand c’est une interprète, quand c’est par exemple Greco, c’est elle qui choisit (elle avait François Rauber et Goraguer qui écrivaient ses arrangements). Barbara, fallait lui parler de personne, elle faisait tout, elle choisissait, elle changeait… bon. On ne pouvait même pas parler de ça, avec Barbara, tu vois !
Rappel : entretien d’Hélène Hazera avec Frédéric Botton au micro de Chanson Boum (9 juin 2004), et texte de la chanson Rue du chien qui fume, in Lettre des Amis de Barbara n°19, pp.11-12.
NOUS ECRIRE
"Les
Amis de Barbara"
Maison des Associations
Boîte 28
15, passage Ramey
75018 Paris
lesamisdebarbara@free.fr
"LA LETTRE DES AMIS DE BARBARA un même et multiple pays".
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